L'addiction communicationnelle


Le besoin irrépressible d'être constamment en contact avec d'autres personnes revêt plusieurs aspects très différents. Si on peut quelquefois parler de dépendance ou d’addiction, il est plus correct assez souvent de parler "simplement" d'excès. Les "symptômes" à prendre en compte sont bien sûr le temps qui y est consacré (si on y passe 6 heures par jour par exemple, ça prend une tournure exclusive), mais aussi et surtout l'impact sur la vie sociale et affective de la personne, sur son travail et ses loisirs, son épanouissement, et enfin la manière dont son entourage réagit.
Prison
Un premier aspect de la dépendance à la communication est l'utilisation excessive du chat, du gsm et du courrier électronique dans le but d'appartenir à un groupe, une tribu. Le contact permanent avec un ensemble de copains est un peu comme un cordon ombilical. Les outils de communication rassurent : avec son téléphone portable ou son ordinateur, c'est un peu comme si on restait connecté à sa famille, à ses amis. Dans sa chambre, devant son ordi, on a toujours sa tribu à portée de clic. L'angoisse de la solitude trahit souvent un manque de confiance en soi. Certaines personnes ont de plus en plus de difficultés à fermer la session pour faire d'autres activités, elles ont un besoin très fort d'être constamment en contact avec quelqu'un. Quand l'angoisse monte à l'idée de devoir rompre le contact, la dépendance est déjà bien installée…

Parfois, ces amis qui discutent pendant des nuits entières (et une grande partie du jour) ne se sont jamais rencontrés dans la vie réelle.
L'anonymat est la particularité la plus importante du chat, des listes de discussion et des forums. Dans ces conversations en ligne, on utilise généralement un pseudo, un surnom qui dissimule l'identité de la personne, mais aussi son âge, son sexe, sa race, son statut… Souvent, les chateurs jouent avec cette possibilité de changer d'identité. En toute impunité, ils osent émettre des avis, des jugements, allant jusqu'à des propos quelquefois agressifs ou violents. Expérimenter d'autres identités correspond bien à un besoin des jeunes encore en recherche de leur propre identité. Se présenter sous un jour favorable et être admis et apprécié par le groupe augmente considérablement l'estime qu'ils ont d'eux-mêmes.
Tout cela peut rester très positif, bien sûr.
Où sont donc les dangers ?

On constate que certaines personnes qui s'expriment ainsi ont dans la vie réelle des difficultés de communication. Le virtuel permet d'éviter le contact, le face-à-face.
Si cela devient pour eux la seule manière de s'exprimer, le danger est au niveau existentiel, dans leur désinvestissement par rapport à leur vie sociale hors ligne, leur travail, leurs loisirs, etc.

Par ailleurs, l'anonymat (et le jeu qu'il permet sur son identité réelle) fait craindre à certains spécialistes que certaines personnes, plus fragiles, en arrivent à abandonner leur identité réelle au profit de leur(s) identité(s) virtuelle(s) ou que les utilisateurs excessifs en arrivent à confondre le réel et le virtuel.

Un autre aspect de l'addiction communicationnelle est lié au travail excessif. On s'imagine souvent qu'il est indispensable de prendre connaissance de l'information immédiatement, sans délais, pour plus d'efficacité dans le travail. On se crée alors l'obligation de vérifier en permanence les actualités du domaine et de contrôler son courrier électronique sans arrêt, sans parler du téléphone portable toujours à portée de mains. On pense ainsi contrôler l'information.
Or, on constate que certaines des personnes qui font ça cherchent plutôt à fuir leur sentiment de ne pas être à la hauteur, de ne pas être capable de gérer.
L'illusion de contrôler l'information nécessaire au travail servirait alors à se donner une image positive de soi, à travers le regard des autres.

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